Message du Pape Jean-Paul II pour le Directeur général à l’occasion du congrès mondial de la jeunesse à Barcelone
Rome, 1er juillet 1985
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En préparation du congrès mondial de la jeunesse à Barcelone, Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II écrit à Monsieur M’Bow pour soutenir cette initiative. Faisant un constat alarmant sur le désespoir envahissant le cœur de tant de jeunes, il invite les organisateurs à donner à la jeunesse de nouveaux horizons et des buts élevés.
À Son Excellence Monsieur Amadou-Mahtar M’Bow,
Directeur général de l’UNESCO,
Dans le cadre de la coopération que, depuis des années, le Saint-Siège a établie avec l’UNESCO, j’ai reçu avec joie et espérance l’annonce qu’un congrès mondial sur la jeunesse se tiendra à Barcelone du 8 au 15 juillet. Aussi, répondant volontiers au désir manifesté par Votre Excellence, je vous fais parvenir mon message au Congrès.
En de nombreuses circonstances, j’ai demandé avec insistance que l’on prenne en considération la cause des jeunes. Je l’ai rappelé, d’abord, aux jeunes eux-mêmes au cours des bonnes rencontres que j’ai eues avec eux en diverses parties du monde. Ils sont les premiers protagonistes de leur vie dans l’aventure fascinante de grandir comme des hommes. C’est seulement en leur communiquant la confiance en eux-mêmes et dans les adultes, la capacité de savoir espérer, l’effort et le sens de la responsabilité, que nous pouvons les mettre sur le chemin d’un avenir qui stimule leur créativité et avive leur enthousiasme. Je l’ai rappelé également aux parents, aux hommes de culture et aux gouvernants. Il leur appartient, de manières diverses, d’assurer les conditions familiales, culturelles et structurelles pour un avenir de justice, de paix, de respect et de promotion des droits et de la vie de tous.
Avec une insistance particulière bien compréhensible, j’ai rappelé ce joyeux et sublime devoir à tous ceux qui, dans l’Église, vivent leur foi en Jésus-Christ. À mes frères dans le sacerdoce ministériel, j’ai demandé récemment de renouveler, unis aux jeunes de notre époque, le geste, riche d’humanité et de zèle apostolique, gui fut celui de Jésus à l’égard du jeune homme de l’Évangile : « Posant son regard sur lui, il l’aima » (Mc 10, 21). J’ai souvent souligné la raison de cette tâche, me faisant l’interprète d’une préoccupation diffuse et croissante, qui concerne tous les hommes de bonne volonté : « La jeunesse est une étape clef dans la vie de tout homme ».
Dans la jeunesse est l’espérance de l’humanité ; et l’espérance, qui est unie à l’avenir, est l’attente des « biens futurs ». Comme vertu chrétienne, elle est unie à l’attente, active et engagée de ces biens éternels que Dieu lui-même a promis à l’homme en Jésus-Christ. Et en même temps, comme vertu chrétienne et humaine, elle est l’attente de ces biens que l’homme atteindra en utilisant les talents que la Providence lui a donnés.
Mais aujourd’hui, la jeunesse est aussi menacée, précisément en tant qu’espérance de l’humanité et de son avenir. Les manières sont différentes, mais les résultats continuent à être aussi tristes et préoccupants. Beaucoup de jeunes se trouvent dans des situations de désespoir telles qu’ils en arrivent même à exclure toute perspective raisonnable d’un avenir prometteur. D’autres sentent peser sur eux, d’une manière dramatique, les craintes que ressent l’humanité : les guerres, l’extermination, la faim, les manipulations, les violences et les injustices aberrantes. Dans les sociétés occidentales, beaucoup de jeunes, désorientés par l’abondance imprévue et incontrôlée de la facilité, des messages souvent divergents, vivent une intense crise d’identité et du sens de la vie. Les questions fondamentales de l’existence restent sans réponse sûre et tranquillisante. Parfois, ces questions sont éludées même par les éducateurs, car prévaut un scepticisme fondamental déprimant ou une pratique de vie frustrée. Un individualisme exaspéré, qui paradoxalement cohabite avec une société massifiée, finit parfois par enlever toute consistance et intériorité à la vie personnelle du sujet, arrivant à briser son existence ou la dégradant en un conformisme médiocre. Cette crise menaçante rend beaucoup de jeunes prisonniers d’un présent sans horizons et les pousse à chercher des portes de sortie qui ne sont que des fuites de l’existence, qui blessent l’humanité et qui, fréquemment, débouchent tragiquement sur la mort.
Mais il y a aussi, heureusement, de nombreuses réactions positives et des signes d’espérance. Les nombreux jeunes que j’ai rencontrés au cours de mes voyages apostoliques, et les autres qui sont venus nombreux à Rome célébrer avec moi l’Année sainte de la réconciliation et l’année internationale de la jeunesse, donnent vigueur à mon espérance. Ils sont certainement nombreux et dotés de grandes qualités, ces jeunes qui s’efforcent actuellement de renouveler la société, de construire la « civilisation de l’amour », passionnés de Jésus-Christ à qui ils ont ouvert avec joie les portes de leur cœur ; ils forment une longue chaîne qui nous porte vers un avenir déjà proche. Néanmoins, mon regard ne peut s’arrêter sur ces jeunes sans que je porte en même temps la préoccupation, avec un cœur paternel, de tous les autres.
Dans cet esprit, je me réjouis de l’initiative prise par l’UNESCO d’organiser ce congrès mondial, avec la collaboration d’éducateurs engagés et d’experts illustres. Ce fut pour moi un autre motif de satisfaction de prendre connaissance des thèmes inscrits à l’ordre du jour. L’éducation, le travail, le développement culturel, la collaboration internationale, représentent certainement des problèmes fondamentaux de la vie de la jeunesse et des points névralgiques des processus de transformation sociale. Bien des problèmes qui existent et préoccupent ceux qui estiment la jeunesse, trouvent ici leurs racines. Par exemple, comment peuvent-ils regarder l’avenir avec espérance, ces jeunes qui voient s’éloigner progressivement la possibilité de gagner leur pain et de se créer une vie honnête par un travail sûr et rémunérateur ? Les jeunes cherchent une société où les différences ne fassent pas obstacle à la collaboration et où les barrières élevées entre les différents groupes sociaux ou entre les peuples, a cause des haines, des discriminations qui se sont enracinées, des soupçons nationalistes ou des prétentions hégémoniques, laissent finalement le pas à une convivialité sereine et constructive orientée vers le bien et le développement intégral de tous. Mais, malheureusement, ils achoppent chaque jour sur des nouvelles et des expériences de guerre, de divisions absurdes, de jeux de pouvoir qui augmentent les distances entre pays riches et pays pauvres. Le désespoir, qui engendre la violence ou dégénère en une consommation effrénée, naît de causes plus profondes et lointaines, qu’il faut identifier avec clarté et courage. Étudier ces problèmes en toutes leurs dimensions réelles peut donner à tous une conscience plus critique, un réalisme mobilisateur et en même temps, ouvrir des perspectives nouvelles et audacieuses. Il se pourrait que vous arriviez à la conclusion qu’il existe des difficultés qui dépassent votre effort et qu’il faille attendre encore longtemps avant que nos espoirs puissent se réaliser. L’analyse de thèmes si importants, dont la solution échappe souvent aux possibilités de mise en œuvre de la part des jeunes, parce qu’elle concerne des compétences et des responsabilités plus hautes, pourrait constituer également un autre motif de désillusion, de scepticisme et même de rupture entre les générations. Le congrès, très sagement, a réservé à l’éducation une attention spéciale.
Je voulais mettre en relief le fait que l’éducation est beaucoup plus qu’une préparation à la praxis ; qu’elle ne peut se réduire simplement à l’acquisition d’une science ou à l’apprentissage d’une technique. La véritable éducation comprend et assume certainement la science, la culture et la technique, mais est orientée vers l’objectif très noble de la formation de la personne, dans ses dimensions humaines intégrales et dans la perspective de ses fins les plus élevées. L’éducation est, par conséquent, la proposition et l’assimilation de « valeurs » qui sont le fondement de l’identité, de la dignité, de la vocation et de la responsabilité de l’homme comme personne et comme membre de la société. Les jeunes, et c’est pleinement leur droit, désirent avoir des éducateurs qui soient des maîtres authentiques et qui sachent les orienter vers des idéaux élevés, et leur en donner l’exemple par leur vie. Une attitude et un climat de relativisme et de permissivité, qui se développent fréquemment sur la perte ou l’érosion des valeurs spirituelles et éthiques n’ont pas, à l’évidence, produit de bons fruits et n’aident pas au développement de la personnalité authentique des jeunes. Je voudrais vous dire : Ayez le courage de proposer aux jeunes d’aujourd’hui des buts élevés et de leur demander aussi ‑en leur donnant les motivations‑ les sacrifices nécessaires pour les atteindre. Cela stimulera les énergies souvent latentes dans les esprits, qui sont dans l’attente d’éducateurs convaincus et experts pour les faire surgir et les orienter de manière créatrice. Ainsi, on pourra régénérer également les structures et les méthodes d’une vie sociale ankylosée et développer le sens ‑et la joie‑ de l’existence et du travail.
Excellence, en vous renouvelant, ainsi qu’à tous ceux qui participent à cet important congrès, mes souhaits les plus sincères et les plus fervents, je demande à Dieu tout puissant qu’il bénisse les efforts de tous ceux qui travaillent pour le bien de la Jeunesse, que nous estimons tant.