Intervention de Mgr Lorenzo Antonetti, chef de délégation, durant le débat de politique générale

Paix et nouvel ordre mondial : Mgr Lorenzo Antonetti à la 27e session de la Conférence Générale de l’UNESCO

Maison de l’UNESCO, 28 octobre 1993

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Monsieur le Président, je désire vous présenter, en mon nom personnel et au nom de la délégation du Saint-Siège, mes vives félicitations pour votre élection a la présidence de la Conférence générale. Celle-ci se réunit en un moment important de l’histoire, marqué par la recherche d’équilibres nouveaux et d’un nouvel ordre mondial, ce à quoi répond la détermination des pays membres à renforcer l’ensemble du système des Nations Unies.

La délégation du Saint-Siège tient en tout premier lieu à rendre hommage aux efforts poursuivis par le Directeur genéral conformément aux directives de la Conférence générale à sa vingt-sixième session, et avec l’appui constant du Conseil exécutif, d’une part pour adapter l’UNESCO à l’évolution si sensible de la situation mondiale, et d’autre part pour faire face aux exigences d’une amélioration de sa gestion. Les interventions fermes qui ont été faites pour que soient protégés les biens culturels menacés au cours de conflits armés en divers pays ont pris, de par leur nature même, la portée d’appels en faveur de la paix et de dénonciations de l’inhumanité de la guerre. Enfin, on ne peut qu’exprimer une réelle satisfaction à l’égard de ce qu’a fait l’UNESCO pour être mieux connue et mieux comprise par le grand public.

Ces dernières années, de nombreux murs sont tombés et l’espérance s’est répandue de voir s’ouvrir une ère de paix planétaire. Mais, à travers les brèches qui ont été ouvertes, on voit que la route est encore longue avant de parvenir à un nouvel ordre mondial qui s’appuie sur le respect des droits humains et des libertés fondamentales. Le problème n’est pas aujourd’hui de définir ou d’accepter, sur le plan théorique, des droits et des libertés : les chartes, les traités et les conventions dûment ratifiés ne manquent pas. Le problème est désormais de sauvegarder concrètement ces droits dans la vie quotidienne de tous et de les enraciner dans la conscience des peuples. Une fois encore se confirme ici la valeur d’une intuition qui se trouve aux origines de l’UNESCO :

C’est dans l’esprit des hommes que doivent être élevées les défenses de la paix.

Éducation

Aujourd’hui encore, de très nombreux êtres humains sont privés de la possibilité de développer pleinement leur personnalité et, à cause de l’analphabétisme, sont trop facilement les victimes de l’injustice. Une grande partie de l’humanité se trouve exclue des instances de décision et reste en marge du développement en raison d’une formation insuffisante. La solution dépend nécessairement de l’éducation et de la culture. L’objectif que s’étaient fixé les fondateurs de l’UNESCO en 1945 – « Assurer à tous le plein et égal accès à l’éducation »– garde toute son actualité.

Une éducation qui réponde aux objectifs de l’organisation et qui soit un facteur de paix entre les peuples ne peut cependant pas se limiter à la seule transmission de connaissances techniques. Elle doit être, comme l’a dit le Pape Jean-Paul II dans le discours qu’il a prononcé ici même en 1980, une éducation qui consiste en effet à ce que l’homme devienne toujours plus homme, qu’il puisse « être » davantage et pas seulement qu’il puisse « avoir » davantage, et que, par conséquent, à travers tout ce qu’il « a », tout ce qu’il « possède », il sache de plus en plus pleinement « être » homme ; et pour cela, il faut que l’homme sache « être plus » non seulement « avec les autres », mais aussi « pour les autres ». En des termes différents, la Déclaration mondiale sur l’éducation pour tous exprime une prise de conscience analogue. Dans le document de la Conférence de Jomtien, de mars 1990, le patrimoine spirituel des différents peuples est considéré comme la base d’une formation qui inclut les droits humains et la tolérance religieuse. Cette même conférence exhortait les pouvoirs publics à instaurer de « nouveaux partenariats » avec les organisations non gouvernementales, avec le secteur privé et avec les groupes religieux. Monsieur le Président, au cours des siècles, l’Église catholique s’est engagée dans les activités de formation, particulièrement l’éducation des jeunes. Elle a l’intention de continuer à apporter sa contribution à ce service de l’homme, qui est aussi un service rendu à la paix.

Culture

Au sujet de la culture, le Saint-Siège se plaît à souligner l’importance que revêtent l’extension et la notoriété croissante de la Liste de monuments et de sites du patrimoine mondial. Nous apprécions le fait que les plus belles œuvres de la nature et les plus hautes créations du génie de l’homme, tout en demeurant propriété des peuples où elles se trouvent, soient considérées comme un bien de l’humanité tout entière, comme placées sous sa responsabilité collective. Ainsi se trouvent remarquablement exprimés, par-delà la diversité des peuples, leur unité et les liens qui les unissent dans une commune vocation et un destin commun qui, pour les croyants, acquièrent tout leur sens dans la référence à Dieu le Créateur.

Conclusion

Si l’on prend en considération les différents secteurs de son activité, l’organisation se trouve face à des tâches vastes et d’importance vitale. Pour les remplir, il faut déployer des efforts solidaires et généreux. Le Saint-Siège exprime le vœu que tous les États membres de l’ONU, dans le nouveau climat mondial, assurent leur pleine participation à l’œuvre de paix de l’UNESCO.

Monsieur le Président, les dernières décennies ont éte marquées par d’importants progrès des sciences biologiques et médicales. L’humanité dispose désormais de nouvelles thérapies, et aussi de nouveaux pouvoirs dont les conséquences sur la vie humaine à son commencement et dans ses premières étapes sont imprévisibles. La science et la technique constituent des ressources précieuses lorsqu’elles sont mises au service de l’homme et qu’elles en favorisent le développement intégral au bénéfice de tous. Mais l’histoire enseigne aussi que ces ressources peuvent être utilisées pour la ruine de l’homme. Il est vrai cependant, qu’à notre époque, nous pouvons constater un progrès réconfortant du sens de la dignité de la personne humaine et de la valeur de la vie : en cette assemblée, le Saint-Siège invite les scientifiques et les hommes politiques à déployer tous leurs efforts pour que la science et la recherche respectent toujours la vie humaine, dès l’instant de la conception jusqu’a son terme naturel. Comme dans tous les autres domaines, si l’on ne se met pas au service de l’homme, l’homme est asservi !

Monsieur le Président, je vous remercie.

Pour consulter les résolutions de la 27e Conférence Générale :
http://unesdoc.unesco.org/images/0009/000956/095621f.pdf