Intervention de Mgr Mario Tagliaferri, chef de délégation, durant le débat de politique générale

L’éducation est une clé, mais ne suffit pas : Mgr Mario Tagliaferri à la 29e session de la Conférence Générale de l’UNESCO

Maison de l’UNESCO, 28 octobre 1997

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Dans le cadre de la 29e session de la Conférence générale de l’UNESCO, Mgr Mario Tagliaferri, Nonce apostolique en France et chef de délégation, a évoqué les évolutions dans l’organisation de l’UNESCO, les enjeux politiques de l’éducations, ainsi que la question du génome humain. Voici son discours :

« Monsieur le Président, Monsieur le Directeur général, Excellences, Mesdames, Messieurs, c’est pour moi un honneur de m’adresser à vous, qui participez aux travaux de la 29e session de la Conférence générale de l’UNESCO. Je suis charge de vous transmettre les vœux du Pape Jean-Paul II pour le succès de cette session.

Les travaux de la présente Conférence générale se déroulent de manière simplifiée. Cependant, cette Conférence n’est pas moins importante que celles qui l’ont précédée. D’autre part, on remarque plusieurs améliorations significatives, surtout quand on pense aux difficultés rencontrées dans les réformes concernant les méthodes de travail d’une organisation aussi complexe que l’UNESCO. Dans ce domaine, il convient de reconnaître les mérites du Directeur général, Monsieur Federico Mayor. On doit apprécier particulièrement les efforts d’interdisciplinarité qui font que les différentes contributions scientifiques, ayant des méthodes diverses –comme les sciences naturelles et les sciences sociales– ont été associées, dans ce projet de programme, au service de l’homme. De même, on doit apprécier la volonté de faire en sorte que ce service soit le plus proche possible de tous les destinataires, c’est-à-dire des hommes, là où ils se trouvent, appartenant à des cultures variées, et cela grâce à la décentralisation et à l’augmentation des activités « hors Siège ».

Cette approche répond à la mondialisation dont nous faisons chaque jour davantage l’expérience. Ce phénomène favorise la proximité entre les nations, mais, dans le même temps, rend plus aigus les déséquilibres entre riches et pauvres, entre ceux qui bénéficient de la transmission des connaissances et de l’information et ceux qui sont privés des moyens les plus élémentaires du savoir. Aussi le Saint-Siège se réjouit-il des progrès enregistrés dans le domaine de l’éducation de base pour tous et il apprécie la haute priorité que l’UNESCO donne aux programmes d’alphabétisation, ainsi que son attention particulière au continent africain. L’éducation est une clé pour éliminer la plaie de la pauvreté. Conformément à sa nature propre, le Saint-Siège assure qu’il poursuivra son engagement spécifique dans ce domaine, en se félicitant que l’esprit et les objectifs de Jomtien soient ressentis encore aujourd’hui par beaucoup comme actuels. Cependant, l’éducation ne peut à elle seule éliminer la souffrance des pauvres. Il faut en plus mettre en œuvre ce qui est écrit dans l’Acte constitutif même de I’UNESCO : élever les défenses de la paix dans l’esprit des hommes. Dans ce but, il est non seulement acceptable mais encore souhaitable de proclamer solennellement le droit de l’homme à la paix, droit qui n’exclut pas mais implique le droit de se défendre en cas d’agression. Pour être plus efficace, il serait bon de ne pas se limiter à un appel universel ou générique à mettre en œuvre le droit de l’homme à la paix, mais de proposer une action plus précise. On pourrait penser à la promotion de cette « famille des nations » dont a parlé Sa Sainteté Jean-Paul II dans son discours aux Nations Unies, en proposant par exemple l’élaboration d’une Charte des droits et des devoirs des nations (discours du 5 octobre 1995).

En ce qui concerne l’interdisciplinarité, un cas particulièrement significatif concerne les projets pour l’éthique et les droits de l’homme. Le Saint-Siège juge important le projet de Déclaration universelle sur le génome humain et les droits de l’homme. Face aux rapides progrès de la science et de la technique, l’UNESCO veut affirmer que cette matière exige des règles et veut proclamer solennellement, avant toute autre instance internationale, la nécessité de protéger le génome humain. C’est une entreprise délicate, qui requiert un accord entre juristes, chercheurs scientifiques, médecins et experts en éthique. Ayant suivi avec intérêt la préparation de ce projet, le Saint-Siège prend volontiers acte de son amélioration progressive à de nombreux égards. Après réflexion, la notion de patrimoine commun de l’humanité, qui, au départ, pouvait apparaître comme un concept intéressant, s’est révélée inappropriée pour exprimer l’idée que l’humanité entière a la responsabilité particulière de protéger le génome humain. Dans le cas du génome humain, la propriété inaliénable de l’individu et la responsabilité vis-a-vis de l’espéce humaine entière sont tellement liées qu’elles rendent peut-être utile une nouvelle élaboration conceptuelle, pour préciser les sujets de droits et les responsables dans ce domaine particulier. En outre, pour rejoindre les finalités qui ont poussé à formuler le projet de déclaration, il serait souhaitable d’affirmer que la dignité et les droits de tout être humain doivent être reconnus et garantis depuis le moment où cet être est identifié par son génome individuel.

En conclusion, Monsieur le Président, je voudrais rappeler que l’UNESCO, maison de tous, fait appel, pour réaliser ses nobles finalités, non seulement aux États, acteurs principaux de la vie internationale, mais aussi à toutes les forces vives de la société. L’histoire de ces dernières décennies a fait ressortir la contribution des organisations non gouvernementales précisément en termes d’apport d’idées nouvelles. Un dialogue courageux de l’Organisation avec les organisations non gouvernementales, réalisé en tenant compte de leur originalité et de leur diversité, dans le respect de la pluralité culturelle et religieuse, ne pourra qu’améliorer la coopération internationale dans son ensemble et l’efficacité de I’UNESCO elle-même.

Je vous remercie de votre aimable attention. »

Pour consulter les résolutions de la 29e Conférence Générale :
http://unesdoc.unesco.org/images/0011/001102/110220f.pdf