Message de Sa Sainteté le Pape au Directeur général de l’UNESCO pour la journée internationale de l’alphabétisation

« Démarginaliser les analphabètes » : Message de Jean-Paul II à Amadou-Mahtar M’Bow pour la journée de l’alphabétisation

Rome, 25 août 1982

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En préparation de la journée internationale de l’alphabétisation, le pape Jean-Paul II envoie son message de vœux au Directeur général de l’UNESCO. Dans celui-ci, il insiste pour que le nouvel ordre international soit fondé sur une équitable répartition des biens culturels. Il rappelle également que les analphabètes doivent être considérés comme des personnes à part entière, qui attende le plein développement spirituel par la maître des lettres.

À Monsieur Amadou-Mahtar M’Bow,
Directeur général de l’UNESCO,

Le 8 septembre, vous invitez à célébrer la journée internationale de l’alphabétisation, qui, par sa seizième année d’existence, montre la persévérance avec laquelle l’UNESCO travaille à promouvoir, en ce domaine primordial, l’épanouissement de la personne humaine, à partir de ses besoins les plus élémentaires. Tous les hommes et leurs institutions doivent en effet en prendre conscience et apporter leur contribution en ce domaine, à la mesure de leurs moyens.

Le nouvel ordre international que les hommes de bonne volonté se proposent d’instaurer n’implique-t-il pas que les plus défavorisés prennent leur place pleine et entière dans la société moderne et ne soient plus traités comme des marginaux ?

Or les analphabètes sont fortement défavorisés dans leur progrès culturel, leurs relations quotidiennes, leur insertion dans leurs différents milieux de vie et leurs possibilités de travail. C’est un handicap majeur pour l’ensemble de la société dans les pays en voie de développement, lorsque l’analphabétisme est le lot d’un fort pourcentage de la population. Et c’est aussi une gêne considérable pour les personnes analphabètes elles-mêmes et leur entourage, dans les pays de plus grande prospérité : elles sont alors d’autant plus laissées de côté dans leur évolution générale. Voilà donc la question qui demeure posée à la conscience des hommes d’aujourd’hui : comment “démarginaliser” les analphabètes ?

Certes, pour réduire le fléau de l’analphabétisme, au cours de ces quinze dernières années, des efforts remarquables ont été accomplis en mettant en œuvre des dispositifs techniques et matériels nombreux afin de rendre l’alphabétisation plus efficace. Et vous invitez justement, Monsieur le Directeur général, à les poursuivre. Mais ne faut-il pas insister aussi sur des dispositions de la loi et sur les mentalités pour que soit prise en compte, par tous les responsables, dans les différents domaines, l’existence des analphabètes comme personnes à part entière ?

Et là, il y a place encore pour de multiples initiatives de conscientisation, d’entraide, de disposition légales, – de la part des gouvernements, des institutions publiques et privées, des individus, – au service des jeunes, mais aussi des adultes qui n’ont pas eu la chance d’apprendre ou qui doivent se familiariser avec d’autres moyens de communication parce qu’ils sont sortis de leur pays, de leur groupe social, de leur spécialisation. Oui, il faut donner cette chance aux adultes, tout comme certaines sociétés offrent aujourd’hui la possibilité d’une formation de perfectionnement professionnel.

L’alphabétisation se situe donc de plus en plus dans un processus d’adaptation au monde technique moderne dans lequel, pour survivre et être respecté dans ses droits, il faut savoir lire et écrire. Les analphabètes sont les victimes d’un trop grand décalage entre leurs propres traditions et les réglementations nouvelles auxquelles ils doivent s’adapter.

Mais plus profondément que cet aspect utilitaire et pratique, l’alphabétisation est l’appellation première de l’éducation et de la culture. Aujourd’hui, elle fait partie, comme étape initiale, de tout le processus d’éveil de la personnalité humaine dans ses relations avec les autres. Et elle permet aussi de développer les dispositions de l’esprit et de l’âme, et la réflexion que tout homme est appelé à faire sur le sens de sa vie et sur sa destinée transcendante.

Il faut donc souhaiter qu’elle soit considérée, non plus seulement comme un type d’assistance pour marginalisés, mais comme un devoir naturel de justice. Et comment n’y seraient-ils pas sensibles au premier chef, ceux dont la religion fait un devoir d’être solidaire de tout frère désavantagé ? Que Dieu bénisse tous ceux qui œuvreront à ce partage des biens de l’esprit !

C’est ainsi, Monsieur le Directeur général, que je forme des vœux pour le plein succès de cette seizième journée internationale de l’alphabétisation, au service du véritable progrès de l’homme par l’homme et de son désir de paix dans la fraternité.