Intervention de Mgr François Fleischmann

La personne humaine au cœur de la paix : Mgr François Fleischmann à la 30e session de la Conférence Générale de l’UNESCO

Maison de l’UNESCO, le 30 octobre 1999

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À l’aube du troisième millénaire, Mgr François Fleischmann a tenu un discours devant la Conférence Générale de l’UNESCO. Dans ce texte lu au nom du Saint-Siège, il félicite l’initiative des Nations-Unis en ce qui concerne l’Année internationale de la culture de la paix. Son allocution met en exergue combien le respect de la personne humaine est, et doit rester, un principe moteur pour l’UNESCO. Voici le texte dans son intégralité :

« Madame la Présidente de la Conférence générale
Monsieur le Directeur Général de l’UNESCO,
Excellences, Mesdames, Messieurs

Il est presque de rigueur de rappeler que cette Session de la Conférence générale de l’UNESCO est la dernière du XXe siècle aussi bien que du deuxième millénaire ; elle se tient à l’aube de l’An 2000, proclamé par les Nations Unies Année internationale de la culture de la paix, dans laquelle s’enracine la plus profonde des aspirations de l’être humain et en laquelle sont placés espoirs et espérances de tous les hommes, de toutes les femmes, de tous les peuples : pouvoir vivre en paix.

Au gré de la régionalisation et de la mondialisation, les relations entre les gouvernements, les peuples, les civilisations, aussi bien qu’entre les individus, prennent des tours nouveaux. Il semblerait donc incontournable de reconsidérer une fois de plus la mission confiée à l’UNESCO qui, dans le système des Nations Unies, est un espace privilégié pour la réflexion et le dialogue, une force d’inspiration, de proposition et d’incitation pour tous, à la lumière de l’esprit des Pères fondateurs pleinement perceptible dans l’ensemble du Préambule de l’Acte constitutif de l’Organisation.

Permettez-moi de faire deux citation. Dans la Bible, le prophète Jérémie adresse la parole du Seigneur au peuple de Jérusalem, sous la menace de la déportation à Babylone :

Arrêtez-vous sur les routes pour faire le point ; renseignez-vous sur les sentiers du passé : où est la route du bonheur ? Alors suivez-la et vous trouverez où vous refaire. (Jérémie 6, 15)

en 1946, lors d’une réunion préparatoire pour la création de l’UNESCO, une phrase de Dostoïevski fut citée : « tout homme est responsable de tout devant tous » ; cette formule devient de jour en joue plus vraie. Peut-on donc affirmer « chacun de nous devient de plus en plus responsable, de plus en plus largement responsable » ?

Certes, l’Année internationale de la culture de la paix s’inscrit pleinement dans la mission confiée à l’UNESCO : élever dans l’esprit de l’homme le défenses de la paix.

Il y a dans le Préambule de l’Acte constitutif de l’UNESCO des mots qui pèsent lourdement, tantôt dans la dénonciation des causes qui engendrent la guerre dans l’esprit de l’homme, tantôt dans l’énonciation des moyens par lesquels l’UNESCO doit s’acquitter des tâches qui sont les siennes, œuvrant dans le cadre du libellé n°1 de l’article premier « buts et fonctions » de l’Acte constitutif.

Parmi les mots qui pèsent lourdement, la Délégation du Saint-Siège aimerait pouvoir en choisir deux : dignité de l’être humain et solidarité intellectuelle et morale de l’humanité.

Pour rapprocher la réalisation de l’objectif visé par l’Année internationale de la culture de la paix, il convient de tout faire pour que progresse le respect dû à la personne humaine, dans tout ce qui la constitue et sous toutes les latitudes. L’épanouissement de l’être humain suppose son bien-être physique et le développement de son intelligence mais aussi la liberté de vivre pleinement sa vocation spirituelle dans le cadre de sa culture. Pour que le but de favoriser le développement personnel de l’homme et de la femme dans leur vie familiale et sociale ne reste pas au stade d’une proclamation rhétorique, il importe d’harmoniser le contenu de la « formation » de la personne humaine qui est le propre de l’éducation, avec la « préparation » à être actif et responsable dans la société à laquelle chacun appartient Il convient de promouvoir la réflexion éthique sur la culture, dans le cadre plus large et plus fondamental de la culture humaine où tous doivent pouvoir se reconnaître, ainsi que de préserver les caractères propres des diverses cultures dans leur pluralité, qui constitue une des richesses de l’humanité. Surtout, il importe que tous, États membres et fonctionnaires de l’UNESCO, organisations gouvernementales ou non-gouvernementales, autorités étatiques, religieuses, morales et scientifiques aient le sens effectif de la solidarité.

Nous voudrions dire par là que chacun apprend à recevoir ce que l’autre peut offrir, qu’il soit « riche ou pauvre ». La conviction fondamentale de l’égale dignité de tout être humain entraîne des devoirs pour tous, implique un véritable respect de l’homme et invite à agir sans cesse dans un esprit de service.

La perspective de la mondialisation peut faire craindre un nivellement des cultures et la la prépondérance de l’économie au détriment de l’humain.

Il revient à l’UNESCO de veiller sans se lasser, sans se décourager si la tâche, paraît indéfinie et très lourde, à ce que toutes les communautés humaines et toutes les personnes soient épanouies, libres et en paix.

Je vous remercie de votre aimable attention. »

Pour consulter les actes de la 30e Conférence Générale :
http://unesdoc.unesco.org/images/0011/001185/118514f.pdf